Le ministère de la Justice prépare une circulaire qui devrait s'attaquer aux peines planchers, décriées par les syndicats de magistrats. Les aménagements de peines devraient également être favorisés. Objectif : atténuer la surpopulation carcérale.
Après plusieurs semaines d’observation, le ministère de la Justice peaufine un projet de circulaire qui pourrait détricoter une bonne partie de l’héritage sarkozyste en matière pénale. Objectif : restaurer le principe de l’individualisation des peines et lutter contre la surpopulation carcérale, en développant les mesures alternatives à l’emprisonnement. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, applique la feuille de route de François Hollande. Dans ses 60 engagements de campagne, le candidat socialiste avait notamment affirmé sa volonté de revenir sur les peines planchers. A en croire le Figaro, la circulaire en préparation devrait mettre un coup d’arrêt à cette logique de peines minimales incompressibles. Autre champ d’action possible : les aménagements de peines. La chancellerie souhaite une utilisation accrue des mesures alternatives (bracelet électronique, semi-liberté, placement extérieur) pour les courtes peines. Quelles sont les marges de manœuvre de Christiane Taubira ?
Des peines planchers boudées de longue date par les magistrats
Elles n’avaient cessé de faire grogner les magistrats. Les peines planchers, introduites dans le code pénal par la loi Dati, consistent en des durées minimales de peines en cas de récidive. Si la loi elle-même n’est pas abrogée, la circulaire Taubira devrait faire chuter son application, puisque les procureurs ne seront plus enjoints de systématiquement requérir ces peines ni de faire appel lorsqu’elles ne sont pas prononcées.
Pour la secrétaire générale générale de l’Union syndicale des magistrats (USM), Virginie Valton, cette orientation de la politique pénale est «intéressante». L’USM, classée plutôt à droite, dénonçait cette «atteinte à la liberté du juge et au principe d’individualisation de la peine», regrettant le manque d’évaluation de l’efficacité des peines planchers dans la lutte contre la récidive. «Un système de peines automatiques est aberrant, estime-t-elle. La peine ne peut être comprise ni par l’intéressé, ni par la société.»
«On revient sur le systématisme de la loi Dati, où l’on ne tient plus compte des réalités des dossiers, des parcours des gens, où l’on en vient à manquer de discernement, estime quant à lui Matthieu Bonduelle, le président du Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche. Cela ne veut pas dire que les procureurs ne feront plus appel si besoin ou qu’un juge ne mettra pas trois ans ferme. Cette circulaire va un peu calmer les choses.» Virginie Valton est sur la même ligne : «Dans un contentieux d’usage de stupéfiants, si quelqu’un est pris deux fois avec dix grammes de haschich, est-il cohérent de prononcer une peine de quatre ans ? Alors qu’en cas de trafic, il n’y a pas d’état d’âme à avoir.»
Par SYLVAIN MOUILLARD, KIM HULLOT-GUIOT, Libération
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