Les rituels sont les mêmes et pourtant, tout a changé. Aux députés de droite, les pupitres qui claquent et le courroux surjoué, aux nouveaux de la majorité, l’air d’élèves sages et les questions gentillettes aux camarades du gouvernement. «Les uns disent: "Que le ministre est merveilleux"! Les autres, "Qu'il est méchant!" C’est un grand classique mais le changement de rôles est délirant», s’amuse Benoist Apparu (UMP). La séance de questions d’actualité a repris ce mercredi et tenu ses promesses: la nouvelle opposition, très remontée par le refus des socialistes de se plier à l’exercice la semaine dernière, a copieusement chahuté les ministres qui, à l’exception de Marylise Lebranchu (secrétaire d'Etat aux PME puis garde des Sceaux du gouvernement Jospin de 1997 à 2002) intervenaient pour la première fois depuis le premier rang de l’hémicycle.
Suppression des heures supplémentaires défiscalisées, plans sociaux, collectif budgétaire en débat en juillet, sort des fonctionnaires... Le groupe UMP, à l’offensive, comptait camper une opposition «ni triste, ni assommée», dixit son président, Christian Jacob (Lire ici son interview à Libération.fr). C’est Catherine Vautrin (UMP) qui débute le ping-pong, interpellant Jean-Marc Ayrault. Assis entre Alain Vidalies (Relations avec le Parlement) et Marisol Touraine (Affaires sociales), le Premier ministre recadre d’emblée, mimant l'étonnement: «Je suis très surpris de constater depuis quelques jours à quel point l’opposition est désemparée, mais je le comprends, d’une certaine façon. Quand on a été sanctionné avec une telle sévérité, il est difficile de s’en remettre spontanément.»
«Bla, bla, bla»
Puis Jean-Marc Ayrault fait sortir la droite de ses gonds en glissant sur la compétition qui a débuté pour la présidence de l’UMP: «Dans votre lutte pour le pouvoir [...], je vous souhaite bon courage!» Standing ovation dans les rangs PS. Jean-François Copé et Christian Jacob, un proche, séparés par une allée, bavardent. Au quatrième rang, Valérie Pécresse se penche au-dessus de son pupitre pour chuchoter à l’oreille de François Fillon, qu’elle soutient pour la tête du parti. Revoilà le radical Jean-Louis Borloo qui, en remontant à sa place, tape amicalement sur l’épaule d’Arnaud Montebourg.
Le socialiste Philippe Martin met à nouveau l’UMP en boule en ironisant sur la défaite: «En voyant les lauriers que vous vous tressez, je me demande pourquoi les Français ne vous ont pas fait confiance.» Ayrault enchaîne sur le bilan de la conférence sociale. «Bla, bla, bla», s’égosille-t-on à sa droite. Bilan du quinquennat Sarkozy, contre promesses de la présidence Hollande. Interpellé sur l'avenir du site PSA d’Aulnay-sous-bois, Montebourg réplique en invoquant «la longue liste des plans sociaux cachés pendant la campagne dans les armoires profondes de la République». «Mais redressez, redressez!», moque la droite à l’adresse du ministre du Redressement productif. Jérôme Cahuzac (Budget), interrogé sur une éventuelle hausse de la CSG, rappelle que la TVA sociale votée sous le précédent quinquennat sera abrogée. Eric Woerth (UMP), sifflé par la gauche, s'inquiète du sort des fonctionnaires «qui vont être mis à la diète»? Réponse affligée de la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu: «Monsieur le parlementaire, les bras m’en tombent... Ça fait deux ans que le point d’indice a été gelé.»
«L'opposition, cela me rajeunit»
«Ils se sont fait plaisir en nous faisant le coup de l’inventaire mais dire que c’est la faute des précédents ne sert à rien», s’agace Pierre Lellouche (UMP), à la sortie de la séance. Pour Valérie Pécresse, ex-ministre du Budget, le gouvernement ne perd rien pour attendre: «Pour l’instant, ils nous renvoient au bilan, mais ça ne va pas durer, il devront assumer le coût de leurs actes.» L’opposition, assure la députée des Yvelines, lui va bien au teint: «J’ai commencé à l’Assemblée, m’y revoici, j’ai débuté dans l’opposition, j’y reviens, cela me rajeunit.»
L’ancienne garde des Sceaux Elisabeth Guigou (PS) applaudit la prestation des ministres: «A chaque question, ils ont mis l’opposition devant ses responsabilités, en rappelant qu’il y a encore trois mois, ils gouvernaient, et ils ont annoncé une feuille de route claire.»
Le turbulent Jacques Myard (UMP) prévient, lui, qu’il est bientôt de retour: «Il faudra donner de la voix au moment opportun, je n’ai pas encore de question mais ça ne saurait tarder...»
Par LAURE EQUY, Libération
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