Le débat sur le "mariage pour tous" tant attendu, par la droite comme par la gauche, s'est enfin ouvert, mardi 29 janvier, à l'Assemblée nationale dans une ambiance électrique. Les échanges doivent durer plusieurs jours et l'UMP a promis une guérilla d'amendements et une défense acharnée sur le fond.
Commencer par un cours d'histoire, pour finir peut-être par en écrire un chapitre. Le discours de Christiane Taubira devrait rester dans les mémoires de l'Assemblée nationale. Durant près de quarante minutes, la ministre de la justice a défendu l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe ; quarante minutes de plaidoyer sans un regard sur ses fiches ; quarante minutes tendues pendant lesquelles des bancs de la droite ont réagi, tandis que la gauche ovationnait sa ministre.Une leçon d'histoire pour commencer : Christiane Taubira dresse d'abord un tableau du mariage civil depuis 1791 comme un long chemin vers l'égalité, en premier lieu des femmes, à travers le divorce par consentement mutuel, le droit d'ouvrir un compte en banque, etc. "Aujourd'hui, nous parachevons l'égalité", estime-t-elle.
Montant en régime sous les huées de la droite, la ministre délaisse peu à peu le ton de professeur d'amphi pour prendre celui de l'oratrice passionnée : "Nous voulons savoir : qu'est-ce que le mariage des couples homosexuels va enlever aux couples hétérosexuels ?" "Rien", répondent en chœur les députés de gauche. "Alors s'il n'enlève rien, nous allons oser poser des mots sur des sentiments et des comportements !"
"L'ACTE QUE NOUS ALLONS ACCOMPLIR EST BEAU"
A la tribune, Christiane Taubira prend de plus en plus d'assurance : "Nous parlons d'hypocrisie pour ceux qui refusent de voir
ces familles homosexuelles et nous parlons d'égoïsme pour ceux qui
s'imaginent qu'une institution de la République pourrait être réservée à
une catégorie de citoyens."
La ministre attaque frontalement l'argument de l'opposition selon lequel la loi ouvrirait "un droit à l'enfant" : "Vos objections n'ont pas de fondement sauf une réelle difficulté à inclure dans vos représentations la légitimité des couples de même sexe. Mais vos enfants et vos petits-enfants les incluent déjà et vous serez bien mal à l'aise lorsqu'ils viendront voir les comptes rendus de vos débats."
Se détournant de la droite, Christiane Taubira adresse un large sourire aux députés de la majorité. "Nous sommes fiers de ce que nous faisons !", lance-t-elle, avant de conclure en citant le poète guyanais Léon-Gontran Damas : "L'acte que nous allons accomplir est beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l'aube voit s'épanouir enfin les pétales. Il est grand comme un besoin de changer d'air, fort comme l'accent aigu d'un appel dans la nuit longue."La garde des sceaux a achevé son discours devant l'assemblée par ces
vers du poète Léon-Gontran Damas : "L'acte que nous avons à accomplir
est beau comme une rose dont la Tour Eiffel assiégée à l'aube voit
s'épanouir enfin les pétales."
Les députés PS, sous le charme, l'applaudissent longuement.
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