Par Pierre Moscovici
La campagne présidentielle et la peur de perdre son pouvoir n'excusent pas tout, et surtout pas le mensonge. Il y a quelques jours, le candidat-sortant expliquait s'être rendu à Fukushima après la catastrophe : il devait y être incognito car personne ne l'y a vu, en tout cas pas les Japonais. La mémoire des lieux peut flancher : l'an dernier, M. Sarkozy avait juré avoir été présent le jour de la chute du Mur. Vérification faite : ce n'était pas exact.
Après la géographie arrangée, voilà l'histoire oubliée. Ce matin, avec sa modestie habituelle, le candidat sortant s'est auto-congratulé d'avoir été le seul chef d'Etat du monde à n'avoir pas « frayé » avec le dictateur libyen Kadhafi avant sa chute, affirmant notamment qu'il "n'a jamais été question de vendre une centrale à M. Kadhafi": c’est tout simplement faux.
Un accord dans le domaine nucléaire a bien été signé en juillet 2007, à l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy dans ce pays, quelques mois seulement après son élection à la présidence de la République. A cette époque, l'entente n'était pas cordiale, elle était parfaite.
Entendu sur le sujet par la commission d’enquête sur la libération des infirmières bulgares que je présidais, son ministre de la Défense de l’époque, M. Hervé Morin, estimait alors que signer un contrat avec la Libye dans le domaine de l’énergie nucléaire civile ne posait pas de problème. Et son ministre des Affaires étrangères, M. Kouchner, pensait rassurer en disant lors de son audition que le mémorandum d’entente sur le nucléaire civil était "un signal politique très important adressé aux pays qui souhaitent, à (s)on avis légitimement, développer le nucléaire civil au profit de leur population."
De la visite en grande pompe de Khadafi à Paris fin 2007 à la signature, le 21 octobre 2010, par le ministre de l'Industrie français d'un partenariat stratégique « prévoyant l'ouverture de négociations pour la construction d'une centrale nucléaire », M. Sarkozy n'a jamais changé de ligne.
Il a fallu le massacre de sa population par le dictateur pour qu'il commence à se rétracter.
François Hollande et le Parti socialiste ont pleinement approuvé l’intervention de la France en Libye dans le cadre, fixé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de la responsabilité de protéger. Cela n’empêche pas que nous réclamions toute la lumière sur les relations entre M. Sarkozy et la Libye depuis 2007. Cela n’empêche pas que nous nous interrogions sur la gestion des suites de l’intervention militaire.
Le domaine réservé du président de la République en politique étrangère ne saurait être un domaine confisqué aux Français : Nicolas Sarkozy doit reconnaître ses mensonges.
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