A son aise au milieu des visiteurs du salon de l'Agriculture, le président de la République s'est livré au traditionnel bain de foule. Les exploitants, eux, restent prudents face à la politique gouvernementale.
François Hollande, nouveau marathonien du salon de l’Agriculture ? Au grand dam des journalistes jouant des coudes des heures durant dans les travées du salon, il semblerait que oui. Lors de la précédente édition, en pleine campagne électorale, François Hollande avait arpenté le parc des expositions de Paris pendant douze heures. Ce samedi, il n'était pas loin de battre son «record». Arrivé à 7 heures du matin, il est reparti «à regrets» vers 17 heures.
Présent dès l’aube pour la traite des vaches et un petit-déjeuner avec les représentants syndicaux du monde agricole, François Hollande a abordé d’entrée deux dossiers brûlants : le scandale des lasagnes au cheval et le mécontentement des producteurs laitiers. Il en a profité pour annoncer son objectif de rendre l'étiquetage de l'origine de la viande obligatoire sur les plats préparés.
«On reste sous la pression des grandes surfaces»
Une mesure accueillie avec réserve par les éleveurs, comme François Gueret, installé en Eure-et-Loir : «On reste sous la pression des grandes surfaces. L'étiquetage, c’est très important, mais il faudrait que les gens mangent de la viande de meilleure qualité, sur des circuits courts, en moindre quantité, et surtout qu’ils acceptent de la payer plus cher.»
Les circuits courts, d’autres n’y croit pas. Au stand des vaches laitières, Bernard Alleno, éleveur breton, pensent qu’il s’agit d’une «utopie». «85% des gens s’alimentent dans la grande distribution. C’est un problème culturel, on le voit sur les produits laitiers. Les consommateurs trouvent les produits trop chers à quelques centimes, mais n’ont aucun problème à se payer une tablette numérique à 500 euros», déplore-t-il, fataliste.
Bain de foule, poignées de mains, et croupes caressées
De manière générale, l'accueil réservé au président de la République est plat mais poli, sans l’hostilité électrique que pouvaient parfois susciter les visites de Nicolas Sarkozy. François Hollande reste cependant loin de l’enthousiasme que provoquait Jacques Chirac. «On lui fait un bon accueil, mais maintenant on veut une bonne politique !», lance un exposant.
A 10 heures, l’ouverture au grand public signale le début des bousculades dans le sillage du chef de l'Etat et les premiers bains de foule. Plutôt bien accueilli par les visiteurs, François Hollande semble à son aise, presque exalté, et redéploie l’arsenal de séduction de son prédécesseur corrézien : mains serrées par dizaines, sourires aux enfants, petites tapes sur les bêtes, de la tête à la croupe, dégustations variées. Et un lever de coude assuré quel que soit le liquide (dans l’ordre chronologique : lait, bière, vins), pour bien souligner la différence avec Nicolas Sarkozy, connu pour son aversion à l’alcool et son goût pour le Coca Cola.
«C’est vrai que ça faisait très longtemps qu’un Président ne s'était pas arrêté aussi longtemps à notre stand», se réjouit Jérome Despey, secrétaire général de FranceAgrimer en charge de la viticulture.
Impatience chez les producteurs laitiers
Le cortège présidentiel a aussi gratifié d’un arrêt prolongé l’imposant stand Carrefour, pour féliciter l’enseigne qui a annoncé sa décision, comme Findus et Intermarché vendredi, de vendre uniquement des plats cuisinés contenant de la viande d’origine française dans ses rayons frais et surgelés. «Il faut encourager ceux qui veulent sortir de la crise par le haut, justifie le ministre de la Consommation Benoît Hamon, même s’il y aura toujours des margoulins qui essaieront de changer les étiquettes.»
Aux très remontés producteurs laitiers, François Hollande a annoncé une «aide de trésorerie exceptionnelle», qui a semblé surprendre jusqu'à son entourage, ainsi qu’une refonte de la Loi de Modernisation de l’Economie (LME), qui encadre les relations commerciales avec la grande distribution. «Il faut revoir certaines pratiques», a concédé le président de la République. L’annonce reste vague, les détails devant être dévoilés la semaine prochaine.
Pour les éleveurs, l'ensemble demeure insuffisant. «On ne veut pas d’une aide exceptionnelle, on veut une aide permanente ! Il faut rééquilibrer la PAC (Politique agricole commune, ndlr), car 80% des aides vont aux céréaliers», s’agace Stéphane Le Druillenec, éleveur dans les Côtes-d’Armor. «On n'attend rien de ce gouvernement, qui n'a aucun lien avec l’agriculture. Et puis, ces socialistes-là, ils sont plus verts que roses !», ajoute-t-il, avant de se lancer dans une diatribe anti-environnementale, se disant étouffé par le poids des contrôles, de la suspicion et de l’administration.
Le sentiment général est plus posé, comme le résume l’éleveur François Gueret. «Que le gouvernement soit de droite ou de gauche, ça ne fait pas tant de différence pour nous. L’ambiance était un peu froide, c’est normal, on est dans l’attente.»
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