Le président-candidat était, lundi 12 mars, l'invité de "Paroles de candidat", l'émission politique de TF1, où il faisait face à un panel de Français. Rompu à ce genre d'exercice, Nicolas Sarkozy n'en a pas moins avancé des approximations, voire des contre-vérités. Nous avons sélectionné et vérifié dix points.
1/ Martine Aubry, Laurent Fabius et les vice-présidents d'agglomération
Nicolas Sarkozy a évoqué, à l'appui de sa volonté de réduire le nombre de députés, l'exemple des communautés d'agglomération pilotées par la gauche. Laurent Fabius, président PS de la communauté d'agglomération de Rouen, qui dispose de "45 vice-présidents" payés "chacun 1 800 euros", et celui de la première secrétaire, Martine Aubry, qui a "32 vice-présidents dont dix sont premiers vice-présidents" à Lille-Métropole, a-t-il expliqué.
La chose est exacte. Il suffit de se rendre sur les sites des deux communautés d'agglomération pour voir que M. Fabius travaille bien avec 41 vice-présidents et quatre premiers vice-présidents. Martine Aubry, à Lille-Métropole dispose de 10 premiers vice-présidents et 22 vice-présidents.
Mais la plupart des communautés d'agglomération sont dans cet étiage. Ainsi, l'AgglO, la communauté urbaine d'Orléans, dirigée par l'UMP Charles-Eric Lemaignan, en compte 24. même chose pour l'agglomération de Marseille.
2/ La France, tu l'aimes ou tu la quittes : "Je n'ai jamais prononcé cette phrase"
Questionné sur cette phrase par le "jeune de banlieue" du panel de Français, entrepreneur et écrivain issu de Villiers-le-Bel, le président-candidat a répété : "Je n'ai jamais dit cela." Effectivement, il n'a pas dit précisément cette phrase, qui vient à l'origine de Philippe de Villiers, fondateur du Mouvement pour la France.
Mais Nicolas Sarkozy a bien assuré, le 30 avril 2006, lors d'un meeting à Paris : "S'il y en a que ça gêne d'être en France, je le dis avec le sourire mais avec fermeté, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu'ils n'aiment pas."
3/ "Nous n'avons pas baissé les impôts. Nous avons maintenu l'ISF. Dire que nous avons fait des cadeaux aux riches, c'est scandaleux."
Nicolas Sarkozy et l'UMP martèlent cet argument, souvent sur un ton offensé. Les faits sont pourtant têtus. Et comme nous l'avons déjà montré, les plus riches sont globalement moins imposés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient voilà dix ans.
Dans une étude récente, le think tank proche du PS Terra Nova a avancé son propre chiffrage, affirmant que "sur les 34 milliards distribués aux ménages - depuis le début du quinquennat, plus de la moitié (54 %) est allée aux ménages aisés".
Quant à dire "nous n'avons pas baissé les impôts", c'est là encore trompeur. M. Sarkozy utilise l'argument de la pression fiscale globale, qui a effectivement augmenté en cinq ans. Mais le bouclier fiscal, qui concerne les ménages aisés a été abaissé de 60 % à 50 % en 2007. Et lorsqu'il a été supprimé en 2010, la majorité a remonté le seuil d'entrée dans l'ISF de 800.000 à 1,3 million d'euros. Il s'agit bien de deux baisses d'impôt.
4/ "Toute personne qui a commencé à travailler avant 18 ans continuera de partir à la retraite à 60 ans"
C'est plutôt vrai, à condition toutefois d'avoir cotisé un certain nombre de trimestres. Le dispositif "carrières longues" prévoit la possibilité de partir à 60 ans si l'on a cotisé cinq trimestres à la fin de l'année de ses 18 ans, en fonction des générations. Il ne suffit donc pas d'avoir commencé à travailler deux mois avant ses 18 ans pour en bénéficier.
Et de fait, nombre de cas ne sont pas pris en compte : les saisonniers qui ont travaillé avant leurs 18 ans ou toute personne ayant connu quelques périodes d'inactivité (pour une femme ayant eu des enfants) ne bénéficient pas du dispositif.
5/ "37 000 contrats d'autonomie pour les jeunes de banlieue chaque année"
L'affirmation, venue en réponse à des questions sur les mesures de Nicolas Sarkozy en faveur des banlieue, est hélas... erronée. Selon les chiffres de la Direction des études, recherches et statistiques (Dares), "entre juillet 2008 et mars 2010, environ 25 000 contrats ont été signés dans les trente-quatre départements métropolitains où est déployé le dispositif".
Depuis, une autre étude, du sénateur Claude Jeannerot, rapporteur du budget de la mission Travail et emploi du Sénat, cité par le spécialiste de la formation Michel Abhervé, évoquait "7 000 entrées dans le dispositif [qui] devraient être enregistrées en 2011", puis "le nombre de nouveaux contrats passerait à 8 000 en 2012". Il n'a donc jamais été question de 37 000 contrats par an. De plus, ce contrat n'a jamais ciblé spécifiquement les "jeunes de banlieue" comme l'a laissé entendre Nicolas Sarkozy.
6/ "Nous avons créé 20 000 places en internats d'excellence pour les enfants de banlieue qui n'avaient pas les conditions pour réussir"
Nicolas Sarkozy est optimiste : Les 20 000 places qu'il évoque ne sont en fait pas encore opérationnelles, mais sont promises pour "les prochaines années". A l'heure actuelle, il existe 26 internats d'excellence, qui scolarisent 2127 élèves (lire l'article récent du Monde). D'autres sont prévus pour la rentrée 2012, mais on est loin des 20 000 places. Même en comptant les "places labellisées", qui sont des lits d'internat classiques qualifiés en "excellence" qui ont permis d'accélérer les choses.
7/ "La frontière gréco-turque n'est pas contrôlée"
Le chef de l'Etat s'est sans doute laissé emporter dans son argumentation en faveur d'une révision des accords de Schengen. Car la frontière greco-turque est bel et bien contrôlée. Frontex, l'agence européenne de contrôle aux frontières, a déployé 175 policiers entre 2010 et 2011 (opération RABIT), et poursuit son activité avec une autre opération baptisée Poseidon. Enfin, la Grèce est en train de construire, contre l'avis de l'UE, une clôture le long de la frontière terrestre avec la Turquie.
Toutefois, il reste vrai que malgré cette action, cette frontière reste une des plus poreuses de l'Union européenne. Selon le ministre grec chargé de l'immigration, Christos Papoutsis, 128 000 migrants environ sont passés par la frontière grecque en 2010.
8/ "Nous avons augmenté de 70 % depuis 2007 le nombre de places en maison de retraite."
L'affirmation est, là encore, rapide. Et inexacte. Le plan "solidarité grand âge" mis en place en 2006 (et non durant ce quinquennat), prévoit la création, en six ans, de 90 000 places d'hébergement au total, dont 37 500 dans des établissements spécialisés (EHPAD). Mais comme le rappelle une note du Sénat en marge du projet de loi de financement 2012 de la sécurité sociale, ce nombre de places est théorique : "Les créations de places en EHPAD d'ores et déjà autorisées atteignent l'objectif fixé sur la période 2007-2012, mais on constate un écart considérable entre places autorisées et places réellement installées. Du fait des délais de réalisation, compris entre trois et cinq ans, seules 11 000 places nouvelles en EHPAD avaient été effectivement installées sur la période 2007-2010, soit environ 40 % des créations de places autorisées sur la même période."
Même en prenant les chiffres théoriques de construction, soit 42 223 en cinq ans, on passe dont de 515 000 places médicalisées en 2007 à 557 223 en 2012. Soit 7,5 % de hausse et non 70%.
9/ "50 % des crimes et délits sont le fait de 5 % des criminels"
L'affirmation n'est pas neuve dans la bouche de Nicolas Sarkozy . Il l'avait déjà évoquée en 2007, lors d'une émission sur France 2. Selon l'enquête du Monde à l'époque, le chiffre s'appuie en fait sur une étude menée par le sociologue Sébastian Roché en 2001, et reprise dans un rapport sénatorial.
Mais le sociologue contestait, à l'époque, l'interprétation de M. Sarkozy : "J'ai parlé de 5 % d'une classe d'âge et non de 5 % des délinquants qui ont déjà commis un délit", expliquait-il au Monde. "Si on prend ces derniers, 5 % des auteurs sont responsables de 30 % des délits". L'affirmation de M. Sarkozy est donc erronée.
10/ "Bloquer le prix de l'essence ? De qui se moque t-on ? L'essence augmente du fait des troubles, en raison du contexte international"
Le prix du pétrole brut est pour 30 % dans la composition du prix de l'essence. Et la hausse n'est pas imputable uniquement au "contexte international" de "troubles" : notamment, parce que les barils sont achetés longtemps à l'avance. Certes, le cours subit une tendance haussière depuis plusieurs mois. Mais les associations de défense des consommateurs notent que les marges des distributeurs augmentent régulièrement depuis une dizaine d'années.
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