L’auteur du tableau, « Reynald Pais », précise qu’il l’a réalisé « à
partir d’infos brutes trouvées sur le site du gouvernement ».
Le tableau a été fait sans réfléchir,
il est donc complètement faux, comme on va le voir plus loin. Mais
apparemment tout le monde s’en fiche : les idées reçues sur le RSA se
sont offertes une belle pub grâce à « une connerie destinée à faire
sourire quelques amis Facebook », selon l’auteur de cette campagne de
désinformation, premier surpris de son succès.
L’idée qu’on peut mieux s’en sortir
« sans travailler » n’est pas nouvelle. Il y a deux ans déjà, Laurent
Wauquiez déclarait sur BFM :
« Aujourd’hui, un couple qui ne travaille pas, qui est au
RSA, en cumulant les différents système des minima sociaux, peut gagner
plus qu’un couple dans lequel une personne gagne un smic. Ce n’est pas
logique, c’est la société française qui tourne à l’envers. »
Et ça énerve Martin Hirsch, le père du RSA, auquel nous avons soumis le tableau :
« Ce sont toujours les mêmes conneries. Ça marche parce
que les gens ont envie d’entendre ce genre de choses. Ça arme leur
aigreur. »
Ça ne pas fait rire non plus Jean-Christophe Sarrot, de l’association ATD Quart-Monde. Il estime que l’on « tape sur les pauvres », leur infligeant ainsi une « double peine » :
« Ça fait souffrir beaucoup de gens. Ils n’arrivent pas à
joindre les deux bouts à partir du 15 du mois et on leur dit qu’ils
gagnent plus que les gens qui travaillent. »
Jean-Christophe Sarrot prévient : il n’est pas facile de calculer le
montant du RSA. C’est d’ailleurs un problème pour les familles. Mais il a
essayé quand même, et nous aussi. Et sans surprise, les résultats ne
sont pas les mêmes que ceux qui ont été partagés sur des dizaines de
milliers de pages Facebook.
Première ligne, première erreur.
Et elle est de taille : avec un salaire de 1 200 euros par mois pour un
ménage de cinq personnes, la famille est en droit de toucher le RSA activité. Un revenu créé justement « pour que dans tous les cas, on ait un intérêt à travailler », explique Jean-Christophe.
La famille gagnerait donc 18 132 euros par an au lieu de 14 400.
- Le RSA prend en compte les allocations familiales et logement
Les allocations, dans l’esprit de
l’auteur, ce seraient donc le RSA + les allocations familiales. A noter
aussi que l’allocation au logement entraîne une réduction de 143 euros
du RSA.
La famille touchera donc 1 065 euros par mois de RSA , soit 12 780 par an au lieu de 14 496.
- La prime de Noël est plus élevée que prévue
Il faut croire que la famille de « fainéants » a été sage, puisque ce n’est pas 154 euros qu’elle touchera à Noël mais 380 euros...
- Allocations logement : un peu plus pour les uns, un peu moins pour les autres
L’allocation logement est relativement difficile à calculer, et
d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une famille hypothétique dont on ne
connaît ni le lieu d’habitation, ni la superficie du logement.
Jean-Christophe Sarrot a quand même fait son estimation sur le site de
la CAF, avec un logement en province au loyer de 500 euros (comme dans
le tableau Facebook).
Pour la famille au RSA, ce serait donc 450 euros d’allocations
logement (au lieu de 500 euros) et pour les salariés, 350 euros (au lieu
de 200).
- Au total, les revenus annuels de la famille salariée
seront de 25 812 euros (au lieu de 20 280) et ceux de la famille au RSA
de 18 560 euros (au lieu de 20 650).
- Loyer : 500 euros chacun. Pour cette donnée arbitraire, pas d’erreur.
- La complémentaire universelle pour tous
Selon l’auteur du tableau, la famille de salariés payerait
50 euros par mois pour leur mutuelle santé. Pour la seconde famille, on
leur offre la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), et
donc, c’est gratuit.
Mais là encore, il n’a pas bien fait ses devoirs : la famille de
salariés est en droit de demander la CMU-C puisqu’elle se trouve en
dessous du plafond de 19 835 euros pour un foyer de 5 personnes (tous les revenus n’étant pas pris en compte).
C’est donc 0 euro pour les deux familles pour l’assurance complémentaire.
- Impôts locaux et redevance télé
La famille qui touche un smic plus le RSA activité peut être exonérée de ces frais, puisqu’elle se situe en dessous du plafond de revenus.
0 euro encore, pour les deux familles.
- Cantine des enfants et transports
Pas de frais de cantine, ni de frais de transport (« pas de boulot ! », précise l’auteur), pour la famille au RSA.
Là encore, les données sont arbitraires, et pas forcément justes.
L’exonération des frais de cantine dépend non pas de l’attribution du
RSA mais de la volonté d’une commission académique. Les deux familles
sont donc susceptibles ou non de bénéficier d’un tarif. Pour notre
exemple, nous avons donc gardé l’hypothèse d’une exonération totale de
cantine pour les deux familles.
Quant au transport, même sans travail, il faut se déplacer : pour
chercher du travail, pour accompagner ses enfants à l’école, pour faire
ses courses... Nous avons donc rétabli une dépense transport pour la
famille RSA.
Les tarifs sociaux pour l’énergie sont calés sur l’éligibilité à la CMU-C. Les deux familles en bénéficient de la même façon.
La famille vivant du smic et du RSA activité gagne 25 812 euros et
ses dépenses contraintes (en considérant qu’elle ne paye pas la cantine)
sont de 8940 euros environ par an. Il lui reste donc, après
paiement des factures, 16 872 euros par an (1406 euros par mois) pour se
nourrir, se vêtir et de divertir.
Pour celle vivant uniquement du RSA, le revenu annuel est de 18 560 euros pour les mêmes dépenses contraintes. Il lui reste donc 9620 euros (soit 801 euros par mois) pour les autres dépenses.
O/20 !
PS : Martin Hirsch a de son côté refait les calculs, à notre demande.
Il arrive au résultat suivant, très proche de celui d’ATD Quart-Monde
dans son versant « revenus » :
Famille Salariés :
- 26 256 de revenus ;
- 12910 de dépenses contraintes ;
- 13346 de dépenses autres ;
Famille RSA :
- 18 810 de revenus ;
- 7300 de dépenses contraintes ;
- 11310 de dépenses autres.
« Le calcul est complètement faux :
- La famille “ salarié ” a le droit à 300 euros par mois de RSA activité ;
- le RSA de la famille “ RSA ” a été surévalué (oubli de la déduction du forfait logement) ;
- l’allocation logement de la famille “
salarié ” est largement sous-évalué (j’ai vérifié en faisant des
simulations sur le site de la CAF) ;
- la comparaison part du principe que la famille “ salarié ” n’a droit
à aucun droit connexe ; hors étant donné son bas niveau de ressources,
elle ne paye surement pas la cantine à taux plein par exemple. »
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